J’aime bien, donc je gifle bien

La gifle a été discréditée. L’enfant serait un être bon, attachant, imitant, intelligent, capable de comprendre et d’agir en respectant des consignes claires. La gifle serait la persistance de réflexes animaux voire barbares. Mais l’enfant, n’est-il pas parfois, comme une grande personne, à la recherche de limites que les mots ne suffisent pas à maintenir ? Par ailleurs, l’accusation de la gifle n’est-elle pas une accusation fallacieuse qui veut la discréditer par son identification avec les abus de la maltraitance, pourtant sans rapport avec elle, pas plus que l’emprisonnement avec la séquestration ?

Publié par “Le Plus” de L’Obs le 5 mai 2016

 

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Guillaume von der WeidJ’aime bien, donc je gifle bien

2 Comments on “J’aime bien, donc je gifle bien”

  1. Duron

    Monsieur, il n’y a pas a philosopher sur la gifle. Elle est, bien entendu, nocive et dangereuse, car elle peut endommager le cerveau et les organes sensoriels. Elle est un mauvais exemple pour l’enfant, qui fera de même ultérieurement, avec plus faible que lui. Elle est donnée sous l’emprise de la colère et du mécontentement, et parfois, de l’addiction. Elle est souvent violente et injustifiée. C’est un geste primaire, un réflexe. Un manque de contrôle de soi. Et n’est en rien éducative. Préférons la réflexion au réflexe. La filiation n’autorise pas la maltraitance, car cela en est. L’enfant ne doit pas être traité comme un objet sans valeur. Il n’appartient pas à ses parents. Beaucoup de parents et d’éducateurs ont de gros problèmes psychologiques (dépression ou autres), et reproduisent ce qu’ils ont vécu, faisant de leur enfant une cible ou même parfois, un soufre-douleur (notamment quand il s’agit de l’enfant du conjoint ou du compagnon). La gifle peut provoquer l’enfant, qui recommence parfois aussitôt à refaire ce qu’on lui a reproché.De plus, elle dénature la relation adulte-enfant. Elle n’est en aucun cas, un geste d’amour. Quand une femme est giflée par son conjoint (ou l’inverse), on crie au scandale, et l’enfant, lui, ne peut se défendre ni se sauver. Même si vous en avez reçu étant enfant, ce n’est pas une raison pour faire l’apologie de la gifle et des punitions. Soyez clairvoyant, et préférez plutôt, la bienveillance et l’éducation positive pour tous les enfants. Pour un monde meilleur. Parler à l’enfant avec douceur, fermeté, et justesse, est ce qu’il y a de mieux pour son éducation et sa confiance en lui.

    M.C. D.

    1. Guillaume von der Weid

      Chère Madame,

      Merci pour votre lecture critique. Il me semble que, obnubilée par l’idée même de violence, vous oubliez le centre du texte, qui affirme l’exceptionnalité de la violence, puisqu’elle doit rétablir un ordre qui l’exclut (“Pour être entendu, disait Th. Roosevelt, il faut parler très doucement, avec un gros bâton à la main” : pour éviter d’avoir jamais à s’en servir !) Vous tombez donc, comme tous mes contradicteurs, dans le discours caricatural qui assimile toute violence à l’abus pur et simple, caricature qui rappelle le “il est interdit d’interdire” de mai 68 qui, non content de se contredire lui-même, interdit toute existence sociale juste et respectueuse.

      Pour faire court, et reprendre votre propre exemple (inversé, pour changer…), si au cours d’une soirée je suis témoin des avances grossières d’un lourdaud qui finit par se prendre une gifle de la dame, je la trouverai courageuse, et approuverai cette gifle, sans laquelle il n’est pas de parade, puisque sans elle, la soirée est gâchée et et le lourdaud impuni. Ce n’est pas un mode de relation, c’est au contraire une façon de rétablir, et de protéger un certain type de relation (respectueuse, équilibrée, qui reconnaît et accepte les frontières). De même avec un enfant — même si l’analogie est lointaine, car il ne s’agit pas de punition (d’un adulte responsable), mais de correction (d’un être en devenir) —, il faut parfois rétablir un ordre de force, lorsque l’enfant, comme il peut arriver, n’entend rien et ne veut rien entendre. L’enfant est alors rassuré par une violence appropriée, utilisée non pour faire mal ou pour humilier, mais pour rétablir un ordre nécessaire, nié par l’enfant. Il constate qu’il y a un ordre qui le dépasse, et qui ne consiste pas seulement en paroles, c’est-à-dire en remuement d’air, car cela, il sait le faire aussi. Surtout : il sait bien que ce n’est pas là un ordre — mais seulement, dans certains cas, une explication ou une justification de l’ordre, qui vient en deuxième.

      Il est évident, encore une fois, que cette correction n’est réussie que si elle se produit qu’exceptionnellement — idéalement une seule fois, puisqu’elle doit faire comprendre la limite, et non bien sûr être la limite, limite qui n’est ni vent (paroles sans réalité), ni violence (force sans raison), mais limite humaine, défendue par des humains, d’une défense réelle, c’est-à-dire inscrite dans les choses, et non seulement dans les mots, qui n’ont de force que par leur capacité à refléter et changer le réel. C’est le sens, je pense de votre épithète « ferme », seulement je ne vois pas ce que signifie la fermeté, si ce n’est pas une posture physique qui assure ce qu’elle énonce, sans quoi elle n’est que vent, laxisme, lâcheté.

      Combien d’enfants ai-je rencontrés qui tyrannisaient leur monde — malheureux, instables, incapables de vouloir avec constance, se plaignant, se victimisant, dénonçant les autres comme source de maux imaginaires, qui n’étaient que leurs caprices dont ils ne comprenaient plus — puisque si on leur passe tout, pourquoi n’exauce-t-on pas non plus tous leurs désirs ? — qu’ils soient frustrés ! Que d’enfants embourbés dans une mauvaise foi confinant à la perte générale de repères, parce qu’ils n’ont jamais été remis à leur place une fois, sur une terre solide, qu’on touche avec bonheur comme après une traversée tempétueuse — solidité (qui partage sa racine avec solidarité) qui montre ainsi au fond des choses et des relations une solidité immobile, qui nous donne l’équilibre mais sur quoi, sans doute possible, on se blessera si l’on essaye de cogner, de l’ignorer ou de la quitter.

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